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CASE STUDY

Améliorer l’accès des agricultrices aux semences de qualité en Ouganda

RÉSUMÉ

Les petits agriculteurs, en particulier les femmes, sont confrontés à des défis qui affectent leur souveraineté en matière de semences, tels que le manque d’accès à des semences de qualité, l’afflux de semences contrefaites sur les marchés et la pression croissante des sociétés multinationales. Avec tous ces défis, il est difficile d’accroître la production et la productivité pour atteindre la sécurité et la souveraineté alimentaires. ESAFF Ouganda a utilisé un modèle communautaire de sécurité semencière dans un district du nord de l’Ouganda pour s’assurer que les paysans ont accès à des semences de qualité et ont le pouvoir et le droit de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences.

LE PROBLÉME

L’insécurité alimentaire reste élevée en Ouganda. L’accès à la nourriture est affecté par la pauvreté, l’instabilité des prix, la mauvaise infrastructure routière et les conditions imparfaites du marché. Par conséquent, 22 % des ménages ougandais ne consomment qu’un seul repas par jour. Une faible productivité réduit la production alimentaire, ce qui réduit la disponibilité des aliments. Le manque de facteurs critiques de production tels que la terre, les semences et les services de vulgarisation a empêché de nombreux paysans, en particulier les femmes du nord de l’Ouganda, d’accroître leur production et leur productivité. De plus, le conflit armé perpétré par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) a longtemps maintenu la plupart des paysans dans des camps de personnes déplacées.

Les semences sont un intrant instrumental qui détermine le développement de l’agriculture et les paysannes sont les principales gardiennes des semences, jouant un rôle crucial dans le maintien de la biodiversité agricole et assurant la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour leurs communautés. Cependant, au fil du temps, l’autosuffisance des paysans à fournir leurs propres semences et autres matériels de plantation est de plus en plus minée. Les systèmes de soutien écologique stressés et la variabilité du climat se conjuguent aux effets anthropiques tels que l’afflux de fausses semences sur le marché, les coûts élevés, le manque de services de vulgarisation adéquats, la pression croissante des multinationales et la mauvaise application des lois et politiques existantes.

Cependant, malgré ces incertitudes, on estime que 80 % des semences du pays proviennent de systèmes semenciers paysans, qui ont été constants au fil des ans. ESAFF Ouganda a vu le besoin d’autonomiser un tel système et de renforcer les droits des paysans à conserver, utiliser, échanger et vendre des semences face à la pression croissante des multinationales, des chercheurs et des acteurs du secteur privé pour obtenir des droits de propriété intellectuelle sur ces semences.

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LA SOLUTION

Pour relever les défis actuels en matière de sécurité et de souveraineté semencières dans la région nord, ESAFF Ouganda a utilisé le modèle de sécurité semencière communautaire (MSSC). Ceci consolide les bonnes pratiques existantes en matière de sécurité semencière dispersées parmi les paysans dans une approche globale pour promouvoir la sécurité semencière communautaire. Dans le cadre de ce modèle, les paysans suivent huit modules au cours desquels ils acquièrent des connaissances sur les droits sur les semences.

L’objectif de cette intervention était de contribuer à l’amélioration de la productivité agricole et de la souveraineté semencière des paysans par un meilleur accès à des semences abordables et de bonne qualité de leur choix à tout moment.

L’intervention a appliqué une approche pratique, harmonisée et systématique pour promouvoir la sécurité semencière communautaire pour les paysans ainsi que pour consolider la capacité technique des paysans à identifier, multiplier, conserver et distribuer des semences de bonne qualité pour une meilleure sécurité alimentaire.

Le projet a été mis en œuvre par l’Eastern and Southern Africa Small Scale Farmers Forum (ESAFF) Uganda avec le soutien financier d’Oxfam en Ouganda. Le projet a ciblé les paysans, en particulier les femmes, dans le district de Gulu, en Ouganda, avec dix groupes d’agriculteurs et 3 250 agriculteurs dans quatre sous-collectivités, à savoir Ongako, Laroo, Bungatira et Unyama.

L’intervention s’est déroulée de la façon suivante :

Introduction et remue-méninges : Les petits – paysans ont été amenés à comprendre les questions de sécurité semencière telles que les défis liés aux semences, les interventions existantes en matière de sécurité semencière et les lacunes qui justifiaient la nécessité de l’intervention en utilisant le modèle MSSC.

Planification et gestion : Six comités locaux de sécurité semencière ont été créés pour diriger les activités de mise en œuvre et de suivi du processus. Les membres de ces comités ont appris comment effectuer une analyse coûts-avantages et élaborer des lignes directrices sur la distribution des semences.

Formation : Les membres des groupes de paysans ont été formés aux pratiques de production et de gestion des semences, c’est-à-dire à la compréhension de la sécurité semencière, à l’identification et à la sélection des semences, à la gestion sur le terrain d’une culture semencière, à la gestion de la fertilité du sol en production de semences, et au traitement des semences avant et après récolte.

Contrôle de la qualité : Les comités de sécurité des semences ont été chargés d’élaborer des lignes directrices sur le contrôle de la qualité en consultation avec les membres des groupes et d’autres intervenants, chercheurs et facilitateurs. Des installations pour assurer la qualité des semences ont été mises en place, c’est-à-dire des installations simples de traitement des semences telles que le matériel de décorticage, le matériel de séchage des semences (polyéthylène, bâches ou des estrades) et les installations de stockage des semences.

Collecte ou approvisionnement : Les paysans sélectionnaient les semences qui les intéressaient et disposaient des compétences nécessaires en matière de multiplication et de gestion des semences. L’étape suivante a été la collecte ou l’approvisionnement de semences de base pour la multiplication à partir de sources fiables et dignes de confiance.

Multiplication des semences : Ces aspects importants de l’intervention comprenaient le choix du site, la création d’un jardin de multiplication, la recommandation des meilleures pratiques agronomiques ainsi que la réalisation d’un suivi périodique et d’inspections sur le terrain. Les paysans ont été initiés aux techniques agroécologiques résistantes au climat qui ont été utilisées pour réduire ou éliminer les effets du changement climatique au cours du processus. Les paysans ont utilisé des techniques telles que l’irrigation au goutte à goutte et des pratiques agricoles de conservation qui assurent la préservation des écosystèmes.

Distribution et commercialisation des semences : Les paysans ont pris la décision de vendre les semences à d’autres membres du groupe à bas prix, de les distribuer sous forme de prêts ou de les partager librement avec d’autres paysans.

Évaluation et mise à l’échelle: Il s’agissait d’examiner le rendement de l’intervention, de documenter et de partager les pratiques exemplaires avec d’autres petits exploitants agricoles, parties prenantes et partenaires afin d’améliorer la mise en œuvre future. Cela s’est fait par le biais de dialogues sur les semences, d’une foire locale des semences, d’un partage d’expériences entre paysans, de l’organisation de visites d’apprentissage, etc.

  • Nous avions été bernés pendant si longtemps par des sociétés privées et certains fonctionnaires du gouvernement que notre système semencier autochtone était à la traîne. Nous leur avons montré que les paysans peuvent récolter, multiplier et stocker les semences en toute sécurité sous un bon contrôle de qualité.

    Vicky Lokwiya, une paysanne leader dans le district de Gulu
  • J'avais l'habitude d'acheter des semences très chères, mais je n'avais toujours pas d'argent étant donné les autres responsabilités sociales que j'ai en tant que veuve. Maintenant je vends parfois des semences, quel bon sentiment, je suis indépendante!

    Akello Beatrice, paysanne.

RÉSULTATS

Solidarité renforcée : Les paysans ont compris l’importance de protéger et de préserver leurs systèmes semenciers indigènes et ont partagé leurs connaissances, contribuant ainsi à la préservation de la diversité des cultures.

L’accroissement de la sécurité semencière: Les paysans ont créé dix banques de semences communautaires pour leurs variétés de semences locales dans trois sous-collectivités d’Unyama, d’Ongako et de laroo dans le district de Gulu. Dans les banques de semences, les paysans ont réussi à collecter plus de 50 variétés différentes de semences, y compris des haricots (nabale, kanyebwa, haricots noirs), gombo, boutures de manioc, soja, pois chiches, arachides, millet, sorgho, lapena, boo, marakwnag, entre autres.

Augmentation des revenus : Les paysans ont gagné une autre source de revenus en vendant des semences à d’autres paysans dans leurs communautés et sur les marchés, améliorant ainsi les moyens d’existence des ménages.

Soutien politique accru aux systèmes semenciers paysans : Les dirigeants locaux ont pris conscience des besoins des paysans en matière d’accès à des semences de qualité et ont présenté les défis des paysans aux dirigeants nationaux.

Renforcement du capital social : Les paysans ont été en mesure d’établir des relations en travaillant ensemble et en améliorant le travail d’équipe dans le plaidoyer autour des semences, tant au niveau local que national.

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Défis à relever

  • Une mauvaise documentation des pratiques et des connaissances locales qui a rendu difficile de convaincre certains groupes de personnes comme les chercheurs et les fonctionnaires gouvernementaux du rôle que les semences paysannes peuvent jouer pour assurer la sécurité alimentaire.
  • De nombreux paysans ont subi un lavage de cerveau à cause des « variétés améliorées » sur le marché, ce qui rend difficile la culture de leurs variétés locales de semences indigènes.
  •  Le gouvernement ne tient pas compte de la recherche menée par les paysans.

Facteurs de succès

  • Engagement des paysans, en particulier des femmes, à contribuer dans le processus, en travaillant ensemble en tant que groupe.
  • Volonté des différentes parties prenantes, y compris les dirigeants locaux et les fonctionnaires qui ont organisé des visites sur le terrain et encouragé les paysans à continuer à croire en leurs variétés de semences locales.
  • L’expérience d’agriculteurs déjà en exercice a également été un excellent moteur pour que les agriculteurs l’essaient.

CONCLUSIONS

La semence est un élément essentiel de la production végétale, représentant une ressource précieuse qui est primordiale pour soutenir l’approvisionnement alimentaire. C’est également un aspect important du renforcement du développement rural et de la réduction de la pauvreté. Il est donc crucial que les systèmes semenciers paysans soient reconnus, soutenus et promus par le développement et la mise en œuvre de politiques semencières adaptées et appropriées qui garantissent le mandat des systèmes semenciers locaux. Les systèmes semenciers paysans offrent non seulement des possibilités d’assurer la sécurité semencière, alimentaire et nutritionnelle, mais aussi la possibilité d’offrir des solutions de résilience aux changements climatiques

RECOMMANDATIONS

  • Renforcer la capacité des organisations paysannes et des mouvements sociaux à aborder les questions politiques essentielles à la promotion des systèmes semenciers paysans.
  • Documenter les connaissances et les pratiques locales et autochtones en matière de semences ainsi que leur contribution à la souveraineté alimentaire et à la nutrition.
  • Créer un espace pour que les paysans et les organisations communautaires puissent s’engager dans le développement de politiques de sensibilisation sur le rôle clé des systèmes semenciers locaux.
  • Construire des réseaux entre des organisations partageant les mêmes idées afin de promouvoir l’élaboration de meilleures politiques en matière de semences au profit des paysans.
  • Détourner les ressources publiques de la subvention de la consolidation de l’industrie semencière par les entreprises pour soutenir et renforcer les systèmes semenciers paysans.
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QUE PEUT-ON FAIRE DE PLUS?

Le processus de multiplication, de stockage (banque de semences) et de distribution des semences paysannes, qui permet à la communauté de contrôler son système de sécurité semencière, devrait être étendu des quelques sous-collectivités pour couvrir la région du nord du pays qui a été la plus touchée par la perte de biodiversité due au déplacement des populations.

Il est nécessaire d’intensifier le partage des résultats et des expériences sur les systèmes semenciers paysans par le biais de documentaires vidéo et de l’élaboration de matériels d’information, d’éducation et de communication pour sensibiliser les populations sur le projet.

QUI EST L’AFSA?

L’AFSA rassemble des paysans, des éleveurs, des pêcheurs, des peuples autochtones, des réseaux d’agriculteurs, des groupes confessionnels, des associations de consommateurs, des associations de jeunes, des sociétés civiles et des militants de tout le continent africain pour créer une voix unie et plus forte pour la souveraineté alimentaire. 

Pour plus d’informations et d’études de cas sur l’Afrique, consultez notre site web https://afsafrica.org

L’AFSA encourage l’utilisation et la reproduction de cette étude de cas à des fins non commerciales, à condition que la source soit dûment mentionnée.

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ACKNOWLEDGEMENTS

Auteur: Rashidah Namatovu, Programs Officer, Eastern and Southern Africa Small Scale Farmers Forum (ESAFF), Ouganda

Courriel: rnamatovu@esaffuganda.org

Web: http://www.esaff.org

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