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RÉSUMÉ

Dans le but de préserver leur tradition, les communautés Manjaques se sont lancées dans un processus de préservation des variétés locales de riz indispensables à l’organisation de certaines cérémonies traditionnelles.  Face à ces enjeux, elles ont procédé à la reconstitution de leur capital semencier en faisant l’inventaire de l’ensemble des semences traditionnelles et leurs importances dans les cérémonies traditionnelles. La conduite de ces actions à travers l’organisation de rencontres multi-acteurs (avec une forte implication des jeunes) constitue des moyens pratiques de transmission et de pérennisation des savoirs en milieu rural. Ces rencontres ont donc non seulement permis de faire l’inventaire des semences traditionnelles et les liens avec les traditions Manjaques, mais aussi de faire une classification des semences à diffuser au niveau de l’ensemble des quatre communautés. À cet effet, des producteurs multiplicateurs de semences ont été identifiés au niveau de l’ensemble des sections puis formés sur les techniques de production et de diffusion de semences locales. Grâce aux actions combinées et au suivi agronomique réalisé auprès de l’ensemble des producteurs de semences, sept variétés locales traditionnelles ont été produites et diffusées au niveau des quatre secteurs, levant ainsi la crainte de ne pouvoir faire certaines cérémonies, faute d’une variété appropriée.

LE PROBLÈME

 

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L’ethnie Manjaque vit dans le nord de la Guinée-Bissau, au sud de la rivière Cacheu et est essentiellement paysanne. Le riz et le haricot constituent l’aliment de base de la population. À ce titre, la riziculture constitue le principal système de culture (bas-fond 70%, mangrove 27% et plateau 3%).
Les Manjaques sont un peuple conservateur, très fortement attachés à leur culture, notamment matrimoniale. Au-delà de son caractère nutritif, le riz local a un aspect socioculturel très fort, compte tenu de l’usage que les Manjaques en font. Parmi les variétés locales on peut citer, entre autres, « Ouimititend, Ungkango, Oubobo, Oumaratane, Titende, Oubignou, Oudjinal etc. » qui sont des variétés à cycle long de 90 jours. Dans la tradition Manjaque, l’usage des variétés locales se fait en fonction des circonstances. Chaque variété spécifique de riz correspond à une cérémonie traditionnelle (mariage, circoncision, funérailles, prise du pouvoir traditionnel, célébration de la naissance d’un enfant, fêtes populaires etc.). Pour cette raison, les Manjaques ont su, de génération en génération, développer et maintenir des stratégies de production et de conservation de ces semences, même si en termes de rendements, les variétés améliorées sont bien meilleures. Mais face aux phénomènes liés aux changements climatiques qui entraînent progressivement une salinisation et une acidification des vallées à certains endroits, à l’évolution des habitudes alimentaires (forte consommation du riz brisé importé), à l’introduction de nouvelles variétés de riz, à la problématique de main d’œuvre dans les villages (la riziculture mobilise de moins en moins les jeunes même s’il y a encore des groupes de solidarité et d’entraide), des questions se posent quant à l’avenir de ces variétés locales de riz.

Ces facteurs contribuent à la dégradation, voire même à la disparition de certaines variétés et rendent difficile voire impossible d’effectuer certaines cérémonies traditionnelles.

Face aux menaces qui pèsent sur le riz traditionnel local, le COAJOQ s’est engagé à accompagner les communautés dans la préservation durable de ces semences. Ces initiatives ayant eu des impacts positifs, cette présente étude de cas revient sur les stratégies mises en place.

LA SOLUTION

L’objectif principal est d’accompagner les communautés Manjaques dans la préservation durable des semences traditionnelles de riz.

Spécifiquement, il s’agissait de:

  • Faire un état des lieux des variétés locales de riz, leur place et leur importance dans la culture Manjaque;
  • Mettre en place une politique solidaire de multiplication, de diffusion et de pérennisation des semences traditionnelle.

Activités réalisées:

Organisation de rencontres sectorielles d’échange et de transmission de savoirs sur les variétés locales : Il s’agissait, au cours de ces rencontres, de faire mieux connaître les différentes variétés aux communautés Manjaques, notamment aux nouvelles générations. Ces rencontres, animées par des sages issus de l’ensemble des sections du secteur, ont d’abord fait des expositions sur l’ensemble des variétés de riz existantes, la zone écologique appropriée (plateau, nappe, bas-fonds ou mangrove), leur cycle de production, les caractéristiques, les modes traditionnels de conservation des semences et leur place dans la culture Manjaque (usages rituels). Les différentes interventions au cours de l’atelier ont permis d’apprendre qu’il y avait des variétés méconnues mais aussi des variétés abandonnées par les populations. In fine, les rencontres ont débouché sur une priorisation de sept variétés de semences traditionnelles à multiplier et à diffuser dans l’ensemble des secteurs.

Organisation de campagnes de sensibilisation et de vulgarisation des variétés locales : Suite aux rencontres sectorielles, des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation ont été organisées au niveau de l’ensemble des quatre secteurs. Au total, dix-sept sections ont été sensibilisées sur les menaces qui pèsent sur certaines variétés locales et la nécessité de les préserver.

Identification des producteurs pilotes au niveau de chaque section : Afin de favoriser une meilleure production et diffusion des semences au niveau des quatre secteurs, dix-sept producteurs pilotes ont été identifiés au niveau de l’ensemble des quatre secteurs.

Organiser des rencontres de partage et de mutualisation des savoir-faire locaux : en termes de multiplication et de conservation de semences dans une optique de capitalisation et de transmission des pratiques traditionnelles ;

Organisation de séances de formations pratiques des producteurs pilotes : sur les techniques de production de diffusion et de conservation de semences.

Mise en place de parcelles pilotes de production de variétés identifiées : L‘ensemble des producteurs pilotes ont bénéficié de semences de qualité mais également du petit matériel d’exploitation.

LES RÉSULTATS

En termes de changements, on peut noter :

  • Toutes les variétés de semences nécessaires aux cérémonies traditionnelles sont désormais disponibles dans les quatre zones ;

  • L’établissement de liens entre les variétés de riz et leur importance dans la culture Manjaque a favorisé une plus grande sensibilisation de la population – principalement des jeunes – et une volonté de préserver ces variétés ;
  • Une très forte mobilisation des jeunes qui s’impliquent dans la production et la multiplication des semences pour préserver la tradition.

L’implication des anciens a permis la récupération rapide des semences abandonnées et leur réintégration dans les systèmes de production.

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Le développement de la riziculture a toujours été au centre des préoccupations de l’Etat, de ses partenaires au développement et de la population. Les différents intervenants ont mis l’accent sur l’augmentation de la production en introduisant de nouvelles variétés plus productives. Mais au-delà des aspects purement alimentaires, la riziculture constitue pour les communautés Manjaques un facteur de préservation des valeurs socioculturelles. Pour ces raisons, elles ont su relever un double défi : celui de la reconstitution du capital semencier traditionnel et celui de la production et de la vulgarisation auprès de l’ensemble des communautés Manjaques. Afin de préserver les connaissances pour la postérité et les générations futures, il est donc nécessaire de capitaliser la démarche dans un document en mettant en exergue le lien très fort entre les variétés traditionnelles et la préservation des cérémonies traditionnelles en milieu Manjaques.

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LES DÉFIS

En termes de défis, il faut noter le manque de main-d’œuvre jeune pour la riziculture. Les jeunes s’investissent de moins en moins dans le domaine de la riziculture. Il faut donc définir la manière de les mobiliser afin de pérenniser les dispositifs de production et de multiplication de semences au niveau des localités.

QUI EST L’AFSA?

L’AFSA rassemble des paysans, des éleveurs, des pêcheurs, des peuples autochtones, des réseaux d’agriculteurs, des groupes confessionnels, des associations de consommateurs, des associations de jeunes, des sociétés civiles et des militants de tout le continent africain pour créer une voix unie et plus forte pour la souveraineté alimentaire.

Pour plus d’informations et d’études de cas sur l’Afrique, consultez notre site web https://afsafrica.org

L’AFSA encourage l’utilisation et la reproduction de cette étude de cas à des fins non commerciales, à condition que la source soit dûment mentionnée.

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REMERCIEMENTS

Auteur: Leandro Pinto JÚNIOR, Directeur exécutif, Cooperativa agro-pecuária de jovens quadros (COAJOQ), Guinée-Bissau.

Email: coajoq_2002@hotmail.com

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