COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE L’AFSA
Réponse de l’AFSA à l’atelier international sur l’édition du génome des cultures agricoles, 17-18 novembre 2025, Sénégal
L’édition du génome n’est pas une priorité pour l’Afrique – c’est une distraction coûteuse
L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) publie cette déclaration en réponse à l’atelier international sur l’édition du génome et ses applications aux cultures agricoles qui se tiendra au Sénégal les 17 et 18 novembre 2025. Bien que présenté comme un échange scientifique neutre, cet atelier s’inscrit dans une démarche continentale beaucoup plus large visant à normaliser, déréglementer et, à terme, commercialiser les technologies d’édition du génome en Afrique – sans débat public, sans contrôle indépendant et sans égard pour la souveraineté semencière, la biodiversité ou la sécurité alimentaire à long terme du continent.
L’Afrique n’a pas besoin de modifications génomiques pour nourrir sa population. Elle a besoin de politiques publiques ambitieuses qui renforcent les systèmes semenciers gérés par les agriculteurs, protègent la biodiversité, garantissent les droits des agriculteurs et développent l’agroécologie – voie éprouvée vers la souveraineté alimentaire.
Une campagne coordonnée pour influencer la politique agricole africaine
Une analyse approfondie du Centre africain pour la biodiversité ( ACBio ) a mis en lumière une campagne bien financée et coordonnée visant à promouvoir l’édition du génome sur le continent. Cela inclut :
- Le soutien d’acteurs extérieurs influents – l’USAID, l’USDA, la Fondation Bill & Melinda Gates, les centres du CGIAR et les multinationales de l’agroalimentaire.
- Les efforts menés par l’AUDA et le NEPAD pour harmoniser les cadres réglementaires permissifs.
- Une infrastructure de communication parallèle (OFAB, formation de journalistes, prix des médias et réseaux de « champions ») conçue pour façonner l’opinion publique en faveur de l’édition du génome.
- Programmes de formation et de renforcement des capacités visant à assurer l’alignement des élites scientifiques et politiques avec les agendas technologiques des entreprises.
Cet atelier au Sénégal s’inscrit dans cette stratégie.
L’édition du génome reste expérimentale et non éprouvée.
Malgré une décennie de battage médiatique, l’édition du génome n’a pas tenu ses promesses :
- Très peu de cultures génétiquement modifiées ont atteint le stade des essais en plein champ en Afrique.
- Encore moins ont fait l’objet d’une évaluation indépendante en matière de sécurité ou de bénéfices agronomiques.
- La plupart des projets restent confinés aux laboratoires ou à de petits essais contrôlés.
- Il n’existe toujours aucune preuve que l’édition du génome puisse apporter des solutions à grande échelle, résilientes face au climat et adaptées aux agriculteurs pour les systèmes alimentaires diversifiés de l’Afrique.
Pourtant, la pression en faveur de la déréglementation de ces technologies s’intensifie.
La déréglementation menace la biosécurité, les droits des agriculteurs et le patrimoine génétique de l’Afrique.
De nombreux pays africains sont incités à exempter les organismes génétiquement modifiés de la réglementation en matière de biosécurité s’ils ne contiennent pas d’« ADN étranger ». Ces systèmes fondés sur le produit – actuellement adoptés ou proposés au Nigéria, au Kenya, au Ghana, au Burkina Faso, au Malawi et en Éthiopie – créent des failles dangereuses :
- Les organismes génétiquement modifiés peuvent être introduits dans les systèmes de semences sans évaluation des risques.
- Des effets hors cible ou des conséquences écologiques imprévues peuvent passer inaperçus.
- Les modifications génomiques brevetées permettent aux entreprises de revendiquer la propriété de séquences génétiques naturelles.
- Les droits des agriculteurs à conserver, échanger et vendre leurs semences sont menacés.
- La biodiversité africaine devient vulnérable à l’accaparement par le biais des régimes de propriété intellectuelle.
Il ne s’agit pas de progrès scientifique, mais d’une restructuration discrète des systèmes semenciers africains au profit d’intérêts privés.
Un déficit démocratique : où est le public ?
Sur tout le continent, des changements réglementaires ont été élaborés sans :
- Consultation des agriculteurs
- participation du public
- Débat parlementaire
- examen scientifique indépendant
Des ateliers comme celui-ci risquent de se réduire à de simples formalités d’approbation automatique de programmes préétablis. La science doit servir l’intérêt public, et non le contourner.
Des solutions africaines existent déjà : l’agroécologie et les systèmes semenciers gérés par les agriculteurs.
Les voies réelles et éprouvées vers la souveraineté alimentaire comprennent :
- Agroécologie et pratiques agricoles écologiques
- Systèmes semenciers gérés par les agriculteurs et banques de semences communautaires
- Amélioration participative des plantes
- Diversification, cultures intercalaires et agroforesterie
- Des politiques qui soutiennent les marchés territoriaux et renforcent les moyens de subsistance ruraux
Ces approches permettent déjà d’accroître les rendements, de restaurer la santé des sols, de renforcer la résilience et d’améliorer la nutrition – sans dépendance vis-à-vis des entreprises ni risque écologique.
L’édition du génome n’est pas une priorité pour l’Afrique. C’est une distraction coûteuse.
Appel à l’action de l’AFSA
L’AFSA appelle les gouvernements africains, les décideurs politiques et les participants aux ateliers à s’engager à ce qui suit :
- Déclarer un moratoire sur la dissémination et la déréglementation des organismes génétiquement modifiés jusqu’à la mise en place de systèmes de biosécurité transparents et indépendants.
- Appliquer le principe de précaution et renforcer la réglementation en matière de biosécurité conformément au Protocole de Carthagène.
- Garantir les droits des agriculteurs , notamment le droit de conserver, d’échanger, d’améliorer et de vendre leurs semences.
- Garantir une transparence totale : toutes les données – y compris les informations qualifiées de « secrets commerciaux » – doivent être accessibles au public.
- Rejeter les partenariats public-privé imposés de l’extérieur qui portent atteinte à la souveraineté.
- Réorienter les ressources publiques vers l’agroécologie, les marchés locaux et la recherche menée par les agriculteurs.
- Protéger le patrimoine génétique de l’Afrique contre la biopiraterie et les monopoles des entreprises.
L’Afrique doit choisir la souveraineté, et non la dépendance.
L’avenir de l’agriculture africaine ne doit pas se décider à huis clos. Il doit être bâti par les agriculteurs, les peuples autochtones, les éleveurs, les pêcheurs, les femmes, les jeunes et les communautés qui nourrissent le continent.
La modification du génome n’est pas inévitable. L’Afrique a le droit de choisir un système alimentaire fondé sur la biodiversité, la justice, la résilience et la souveraineté.
L’AFSA reste ferme : Nos semences, notre nourriture, notre avenir.



