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Résumé Exécutif

Un rassemblement historique pour un avenir alimentaire juste

En mars 2025, l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) a organisé un forum transformateur de trois jours à Nairobi, au Kenya, réunissant plus de 100 participants – agriculteurs, chercheurs, activistes, décideurs politiques et leaders de la société civile de toute l’Afrique. Cet événement historique a marqué un tournant décisif dans le mouvement croissant de remise en cause des structures de pouvoir financier qui sous-tendent l’agriculture industrielle et de promotion d’une stratégie continentale de financement de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire. Le rassemblement est né d’un constat profond : pour reconquérir les systèmes alimentaires africains, nous devons nous attaquer aux systèmes financiers qui les façonnent.

Les moteurs financiers de l’injustice agricole

Dans toute l’Afrique, l’agriculture est remodelée par des acteurs financiers extérieurs – institutions financières de développement (IFD), fonds d’investissement privés et multinationales agro-industrielles – dont les investissements renforcent l’agriculture industrielle au détriment des populations et de la planète. Ces flux financiers favorisent les semences génétiquement modifiées, les engrais synthétiques et les systèmes de monoculture conçus pour l’exportation, tout en déplaçant les petits exploitants, en polluant les écosystèmes et en marginalisant les approches agroécologiques.

Malgré ses avantages évidents – résilience au changement climatique, préservation de la biodiversité, amélioration de la nutrition et développement économique local – l’agroécologie ne reçoit qu’un financement négligeable. Entre 2016 et 2018, seuls 2,7 % des versements agricoles de l’UE aux principales agences des Nations unies ont soutenu des initiatives liées à l’agroécologie.

Révéler l’impact : Accaparement des terres, intrants toxiques et monopoles sur les semences

Les participants ont présenté des preuves irréfutables montrant comment la finance renforce les modèles agricoles nuisibles. Les IFD telles que la Banque africaine de développement, British International Investment et la Banque néerlandaise de développement injectent de l’argent dans l’expansion agro-industrielle par le biais de fonds d’investissement privés opaques. Ce faisant, elles contribuent à ce que les participants ont appelé la « supermarchésisation » des systèmes alimentaires, où le pouvoir se concentre dans les chaînes de vente au détail et où les petits exploitants agricoles sont relégués à la marge.

Les conséquences sur la santé publique et l’environnement sont graves. Au Kenya, 76 % des pesticides utilisés sont classés comme très dangereux, et nombre d’entre eux sont interdits dans les pays du Nord. Ces produits chimiques contaminent l’eau, endommagent les écosystèmes et augmentent le fardeau des maladies non transmissibles telles que le cancer. Par ailleurs, le protocole sur les droits de propriété intellectuelle (DPI) de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) menace d’éroder les systèmes de semences gérés par les agriculteurs, en permettant aux multinationales de contrôler les semences et en affaiblissant la souveraineté africaine en matière de semences.

Dette, dépendance et appropriation de l’agriculture africaine

Les conférenciers ont également expliqué l’origine du problème par les programmes d’ajustement structurel et les prêts au développement qui ont façonné la politique agricole de l’Afrique depuis les années 1980. Les réformes foncières de la Banque mondiale ont transformé la terre en marchandise et ont permis aux entreprises d’acquérir des terres à grande échelle. La stratégie agro-industrielle de la BAD vise à transformer plus de 25 millions d’hectares de terres, déplaçant ainsi des millions de petits exploitants. Ces initiatives sont souvent justifiées par des hypothèses erronées : l’Afrique dispose de vastes terres « inutilisées », l’agriculture industrielle est la seule voie vers la sécurité alimentaire et les petits exploitants doivent être remplacés par des entreprises agroalimentaires axées sur l’exportation.

Une vision pour la transformation : Récupérer la finance pour l’agroécologie

Malgré les défis, le rassemblement a présenté une vision convaincante de la transformation financière. Les participants ont appelé à une action urgente pour réorienter les investissements publics vers l’agroécologie. Ils ont souligné les mesures positives prises dans des pays tels que le Sénégal, le Mali, le Kenya et la Gambie, où les politiques et les subventions commencent à soutenir les systèmes agricoles écologiques.

Au-delà des réaffectations budgétaires, les participants ont envisagé la création d’institutions financières dirigées par l’Afrique – modèles d’investissement communautaire, banques publiques, systèmes de garantie participatifs et groupes d’épargne solidaires – afin de réduire la dépendance à l’égard des financements provenant des donateurs. Ils ont également proposé des mesures politiques audacieuses pour démocratiser la finance : taxer les bénéfices exceptionnels, les marchés financiers spéculatifs et les richesses des milliardaires ; fermer les paradis fiscaux ; et exiger l’annulation de la dette et des réparations pour l’esclavage et le colonialisme. Ces propositions reflètent une profonde reconnaissance du fait que le système financier lui-même doit être transformé, et pas seulement réformé progressivement.

Construire une campagne pour la justice financière

L’élaboration d’une stratégie de campagne panafricaine a été l’un des principaux résultats de ce rassemblement. Quatre groupes de travail thématiques ont jeté les bases d’une action coordonnée ciblant les IFD et les fonds d’investissement privés, les gouvernements nationaux, les multinationales de l’agroalimentaire et les acteurs philanthropiques tels que l’AGRA et la Fondation Gates. Les interventions proposées comprennent le désinvestissement des investissements agricoles nuisibles, des réformes juridiques, la passation de marchés publics avec des producteurs agroécologiques et un moratoire sur l’expansion des OGM et des systèmes de semences industriels.

Conclusion : L’agroécologie est l’avenir de l’Afrique

Ce rapport rend compte non seulement d’un moment de résistance, mais aussi d’un tournant dans la lutte pour remodeler les systèmes agricoles et alimentaires de l’Afrique. Le rassemblement de Nairobi a jeté les bases d’une campagne à l’échelle du continent visant à déplacer le pouvoir financier – des modèles agricoles extractifs et coloniaux vers des systèmes agroécologiques enracinés dans les valeurs africaines, les connaissances des communautés et la justice écologique.

L’AFSA va maintenant poursuivre sur cette lancée en publiant des outils de recherche et de plaidoyer, en organisant des dialogues régionaux et nationaux, en faisant entendre la voix des agriculteurs et des jeunes et en influençant les politiques au niveau continental. L’agroécologie n’est pas une solution technique, c’est un mouvement politique, culturel et économique qui vise à libérer les systèmes alimentaires africains de la mainmise des entreprises et de la finance.

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